mercredi 30 septembre 2009

The joy of conversating

Swedish, Finnish, Korean, French, Spanish, American, Japanese it's a fucking Babel Tower down here!
I'm just coming back from a big ride to find the French Honorary Consulate - which I didn't find - and I spoke to many Japanese people, in English and Japanese (well, trying in Japanese but for what I was sure of, it worked) and back here in Minamishinkawa dormitory I met a Korean HUSTEP guy who told me about a HUSTEP drinking party this evening, and then I asked him about my laundry which was sounding like breaking down and he helped me and then I met that shy Swedish guy and told him about the party and he's coming too, and this lunch I was with a French and three Finnishes and we all spoke in English and shit, I enjoy this! I'm communicating at last! Communicating with the city that I rode back and forth for a great part of its West side, and communicating with other people, students who understand English but also Japanese who don't! So at last, I'm finally communicating to myself, finally opening, finally finding the taste of going outside and confronting to the real world!
Babel Tower = freedom = push the limits.
Can't wait for the Japanese classes to begin!!

lundi 28 septembre 2009

J'oserai, j'oserai demain Quand j'irai sur les chemins A bicyclette

C'est amusant ce besoin de sécurité que j'ai.

Je viens d'acheter un vélo d'occasion : 5.800 yens, soit 2,5 fois moins que s'il avait été neuf (14.800 yens). En euros, ça donne environ 45€ contre environ 115. Bon mon colon, quelle affaire ! Comme pour tout, on a besoin d'un nombre impressionnant d'informations. Ce matin donc, c'était la vente de vélos d'occas'. Hier je me suis couché tôt, quand j'ai senti la fatigue, et à 23h je crois je dormais. Pour me réveiller 2h plus tard sans pouvoir me rendormir avant deux heures. Bilan final, ce matin je me suis rendormi aussi sec après avoir éteint mon réveil, pour finalement me réveiller à 8h45 au lieu de 6h30. La vente commençait à 9h, je suis donc parti à 10h sans grand espoir. Finalement, arrivé au magasin à 10h30 je n'ai pas vu le stand de vélos d'occasion (il y en a tellement sur le parking que je ne l'ai pas aperçu parmi tous les vélos garés) et je suis monté au deuxième étage du magasin, au bookstore, pour me trouver une carte de Sapporo. En sortant du dormitory je me suis aperçu que je n'avais pas pris mes lunettes mais je n'avais pas voulu aller les rechercher à cause du temps que ça aurait pris. Je me suis aperçu de la dimension de mon erreur dans le bookstore. Arriver dans une libraire en langue étrangère, par-dessus le marché inconnue et demandant la plus grande concentration visuelle alors que l'on ne voit pas correctement à 1 mètre (donc laissez tomber les kanjis, dont vous êtes submergés par ailleurs) c'est rigolo tellement c'est déroutant et idiot. Alors comme à mon habitude, j'ai fait le tour du bidule (mais vraiment le tour en plus, je ne suis pas passé à l'intérieur des rayons, comme si je ne voulais pas me perdre) enregardant les étalages et les panneaux dont je ne comprenait rien à part le kanji « science ». J'avais eu cette nuit l'envie d'acheter un livre en japonais pour y décrypter les kanjis, mais en voyant les bouquins auxquels j'avais affaire j'ai vite abandonné l'idée. Puis je suis tombé sur des livres en anglais, et j'en ai pris un : « A very short introduction to chaos », comme si je me sentais à la maison. Je suis tombé sur des livres pour enfant ensuite, mais en voyant que pour les comprendre je n'avais pas besoin que des kanjis mais aussi de la grammaire, je me suis dit que j'allais attendre de finir le bouquin de japonais que j'ai. Et en plus ils était beaux, avec plein d'illustrations, alors ils devaient être chers.

C'est fou la place que prend la langue dans notre vie. Il n'y a pas si longtemps (2 semaines je pense), je disais à Eva que j'en avais assez du français. Même si je ne connaissais pas tous les mots, je connaissais les roublardises de la langue et je pouvais prévoir quelle expression serait utilisée à tel ou tel moment, et qu'en gros je me sentais maîtriser complètement la langue, sa structure voire même son essence. Et connaître tous les mots ne servirait de pas grand-chose (à mon avis c'est vachement présomptueux de dire ça pour un gamin de 20 ans ; c'est plutôt parce que je ne connais pas grand-chose de la langue que j'ai l'impression de tout connaître ; mais n'empêche que.). Alors je m'étais dit que tous les 5 ans par exemple, il faudrait changer de langue comme on change de maison. Je me disais qu'il fallait abandonner sa langue maternelle et s'en choisir une autre. Je ne m'apercevais pas de la difficulté de la chose. Mais je pense toujours que ça doit être une idée intéressante. Ca rentre dans ma réflexion sur « changer » de vie, sur le fait que non, on n'a pas « qu'une vie », qu'on peut en avoir plusieurs. Et que par exemple, lorsqu'on décide d'un changement de langue il faudrait changer absolument tout : son métier, son lieu de vie, ses amis etc...

Enfin bon. J'ai acheté mon livre, et j'ai encore eu des problèmes avec ma carte. Je ne sais pas ce qu'elle a mais il y a toujours des problèmes, à chaque fois on me demande si c'est la première fois que je l'utilise et non, bien sûr que non, alors toujours un collègue vient à la rescousse et arrive à faire rentrer ça dans l'ordre. Soit dit en passant, heureusement que cette nuit je ne me souvenais plus de mon code et que je suis allé le revoir parce que sinon ce matin j'aurais eu l'air encore plus con. Puis je suis sorti, j'ai croisé des vélos qui avaient l'air à vendre, je n'ai pas vu le prix ; peut-être qu'il n'y était pas ou peut-être que j'étais trop miro pour le voir. Mais la galère du magasin m'avait déjà vidé et je voulais seulement me barrer, errer un peu en me dirigeant vers le magasin où je savais qu'ils vendaient des vélos neufs, en me disant que ça serait simple : je file le cash et c'est mar. J'avais marché 2 minutes et sorti le livre en anglais en me léchant les babines quand je me dis que vraiment c'était trop idiot et que j'allais payer cher et que j'étais quand même une sacrée fiotte, que je pouvais m'en sortir après tout. Haha, l'inconscient :-) C'est vrai que je m'en suis sorti mais mon vieux, heureusement que je n'étais pas seul !

Je suis retourné dans le magasin, et j'ai demandé à la caissière si elle parlait anglais. Elle m'a répondu d'un air de tête « non pas vraiment mais essaie toujours », alors je lui ai dit « I'd like to buy a bicycle, a bike » en moulinant des mains comme pour un pédalier. Puis un éclair : « jitensha », bicyclette en japonais. Elle m'a emmené dehors, et a discuté avec ceux qui tenaient le stand que je venait enfin de découvrir (alors qu'il était au beau milieu de tout). Ils me regardaient tous les 3 (les deux proprios et la caissière) en se demandant comment faire et en rigolant, gênés. Puis la proprio a eu la super idée d'appeler deux autres étudiants en train d'acheter aussi un vélo. Ils sont arrivés, une fille et un mec asiatiques, et le mec a pu me parler en anglais. Donc j'ai choisi mon vélo on a rempli les formalités (écrire son nom en caractères romains, en kana (c'est-à-dire en katakana ; voilà ce que ça donne pour moi : シユー ギヨム, Choux Guillaume), on a besoin de l'adresse, que je ne me rappelais plus, alors il a fallu rechercher dans les acheteurs précédents un qui venait de Minamishinkawa que la fille étudiante, qui s'est avérée être japonaise, a recopiée – d'ailleurs elle m'a très gentiment recopié l'adresse en kanjis lisibles sur un post-it que je garderai maintenant constamment sur moi –, il faut aussi un numéro de téléphone et d'autres trucs que les deux étudiants m'ont rempli. Puis on est allés acheter un antivol, et on a discuté un peu avec l'étudiant : c'est un taïwanais en échange aussi, la Japonaise est son supervisor et il s'appelle Wen-i à ce que j'ai compris. Il parle un peu français et il m'a dit, en voyant que Akihide n'était pas là (il accueille un autre étudiant de HUSTEP aujourd'hui) « Oh you're very independent! ». J'avais envie de lui répondre « No I'm fucking not! You're kindly helping me and I'm here doing fucking nothing cuz I just can't! » mais j'ai simplement souri. Après avoir récupéré le vélo et les avoir chaleureusement remerciés tous les deux, je suis parti et j'ai fait mon premier contre-sens. Les japonais roulent à gauche. J'ai dû m'arrêter devant un rond-point du campus pour me demander dans quel sens on devait tourner. C'était un plaisir indicible de rouler, je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être parce que pour le moment c'est la seule chose qui m'obéisse sans me poser de question (à l'inverse de la machine à laver par exemple, dont je ne comprends pas les boutons). Ou qu'enfin je ne marchais plus et j'étais plus isolé, donc que je ressentais moins mon étrangéité. Toujours est-il que j'ai dû revenir au dortoir, mû par je ne sais trop quelle envie sinon celle du connu, de la sécurité. Et ici, j'ai retrouvé l'odeur particulière de ma chambre, mon lit défait rageusement cette nuit parce que je n'arrivais pas à dormir, et j'écoute Eluvium qui me calme on ne peut plus.

Je ne resterai quand même pas sur cette petite victoire – sauf s'il pleut – : je vais ressortir, le bouquin de japonais à la main, sillonner le campus, trouver un banc et des panneaux et tenter de les déchiffrer avec le livre.

Balade sur le campus, l'inquiétante étrangeté

Aujourd'hui, note sur mon « étrangéité » ; pas seulement le fait d'être étrange, mais aussi celui d'être étranger.

Hier, je me baladais sur le campus, et en longeant un des bâtiments j'ai voulu y rentrer : il n'y avait rien sur le fronton, et je me demandais ce que c'était. En y entrant, j'ai regardé un peu partout comme d'habitude, mais en restant sur le seuil. Donc mon attitude était plus que « étrangère » à ce lieu. Dans la loge de l'accueil, les gardiens m'ont fait signe de venir, puis m'ont parlé et m'ont finalement indiqué la sortie. Il n'y avait aucune animosité dans leur voix, à peine une lueur dans leurs yeux que j'ai pris comme la volonté d'en finir rapidement. Donc je suis sorti, du pas le plus digne que j'avais après avoir piteusement baragouiné quelques mots en anglais qu'ils n'ont pas non plus compris. En sortant, j'ai croisé un japonais à bicyclette qui est rentré dans le bâtiment. Quand j'y suis rentré il n'y avait personne, seulement quelques étudiants qui sortaient quand j'arrivais. Je pensais que c'était fermé, mais finalement non, puisqu'un autre étudiant a pu y rentrer. J'avoue que j'en ai été blessé. Très blessé même : après tout, j'aurais pu être un étudiant aussi ! Alors pourquoi est-ce que l'on me foutait dehors ? A vrai dire, j'avais pressenti ce qui allait arriver. Je me suis longtemps posé la question avant d'y rentrer, mais je sentais que j'allais devoir ressortir et que je le prendrais mal. Ca m'a permis de vite reprendre le dessus de ma déprime, et Sigur Rós m'y a bien aidé aussi. Je crois que cette impression que ça n'allait pas bien se passer venait d'un instinct que j'ai développé ultra-rapidement ici. Quand tu sais que la compréhension est possible, et quand tu sais qu'elle ne le sera pas.

Je ne l'imaginais pas à ce point, mais la barrière de la langue n'est pas une barrière. C'est un mur, une falaise, elle est phénoménale, elle sépare deux monde. Alors en moi s'affrontent la volonté d'escalader cette falaise et la volonté de rester dans ma chambre, là où je comprends tout, là où je me comprends moi-même, où je peux me penser en français. Parce que dès que je sors, je me mets à penser en anglais. Quand je me promène tous les regards se posent sur moi, remplis d'étonnement et avec une pointe de peur ou d'hostilité. Hier, lorsque je me suis promené sur le campus, je suis passé devant des groupes d'étudiants japonais qui faisaient des expériences (le deuxième semestre, toutes les après-midi sont consacrées à des expérimentations) ou qui mangeaient. C'était moi, et eux. Certains me regardaient, d'autres jetaient un oeil furtif, les derniers s'occupaient de ce qu'ils faisaient : j'avais vraiment l'impression d'être un autre. Alors j'arbore fièrement mon pantalon à carreaux ou mon pull violet, parce que personne d'autre n'en met. Je suis heureux que les couleurs s'ajustent, et que l'écharpe qu'Eva m'a offerte me donne un air chic. Parce que ça n'est que sur l'apparence que tout se joue. Si je me suis fait sortir du bâtiment, c'est d'abord parce que je n'avais pas l'air d'un étudiant. Après seulement c'est parce que je ne parlais pas japonais. Et parce que je ne comprends rien de ce monde, je me fonde encore plus sur ce à quoi je ressemble. Sur ce que je montre. Je me parfume, je me coiffe bien, je fais attention à chaque pli de mes vêtements, à comment je dispose le fil de mon baladeur, à comment je marche, à l'endroit où sont mes mains. Parce qu'il n'y a que comme ça que je peux exister ici : en me faisant remarquer, en ne me fondant pas dans la masse. J'affiche ce que je suis par ce que la France exporte : le bon goût vestimentaire. Oui je ne suis pas d'ici, mais comme j'en ai assez que vous me le rappeliez par vos regards, je vous évite de baisser les yeux lorsque vous rencontrez le mien, comme si vous trouviez cela indécent, et je vous crie plutôt mon étrangéité par mon apparence. C'est ma revanche.

Une revanche, j'en ai eu une autre. J'ai appris 2 alphabets sur 3 en venant ici. Je commence à connaître quelques kanjis. Mais je suis toujours incapable de lire le moindre panneau. Les hiraganas ne servent à rien : ils sont principalement les particules grammaticales et non seulement les panneaux se foutent pas mal de la grammaire vu que c'est télégraphique, mais en plus les mots que j'ai appris en hiraganas sont écrits en kanjis. Je peux lire tout ce que je vois en katakana (et j'ai appris à le faire plus vite parce qu'évidemment, les japonais lisent très très très rapidement : quand je déchiffrais les sous-titres des films dans l'avion, je ne pouvais en lire que la moitié avant que le sous-titre ne change), mais je ne comprends pas pour autant. Les katakanas retranscrivent les mots étrangers : スープ, prononcé « sûpu » en rômaji, et « soouupou » en phonétique, veut dire « soupe ». Mais d'autres fois, le sens est bien moins évident. De plus, l'extrême majorité de tous les mots que j'ai rencontré en katakana viennent de l'anglais. Donc si on n'a pas un large vocabulaire en anglais, on est marron. Ainsi donc disais-je, je suis me suis promené hier sur le campus en rencontrant de nombreux panneaux et en m'arrêtant à chacun d'eux, pour essayer de mémoriser les kanjis et de les comparer avec ceux que j'avais déjà rencontrés, et même en prenant en photo certains panneaux. Notamment, j'ai trouvé une forêt dans le campus, avec des panneaux qui avaient tout l'air d'une mise en garde, et d'autres contenant la description de quelques espèces d'oiseaux (je suppose). Ainsi, tout ce que je rencontre je ne peux faire que supposer sa signification. C'est pour cela que l'instinct dont je parlais se développe. Alors quand en rentrant au dortoir j'ai appelé Eva, vous imaginez la joie que j'ai eue non seulement de pouvoir lui parler comme ça, en direct – à ma petite chérie –, mais en plus en français ! Je m'arrangeais pour parler à chaque fois que je passais à côté d'un groupe de Japonais, je parlais plus fort que d'habitude et je racontais plein de petites choses quand j'avais la parole : ça, c'était ma seconde revanche.

Cet instinct, la plus grande manifestation que j'en aie eu, c'est lorsque j'ai décidé d'aller faire les courses. Je sentais bien que j'allais entrer dans un univers complètement différent. Tous les produits seraient en japonais, et je n'y comprendrais probablement rien. Alors en cherchant la simplicité, je me suis rappelé que j'avais vu l'enseigne d'un Mc Do au bout de la route menant au dortoir. Je décidai donc d'y aller, mais je me rappelai soudain que j'aurais à faire une commande. Et que cette commande devrait être faite en japonais. Cet obstacle me paru encore plus insurmontable que le premier, et bien que le Mc Do représente toujours la facilité par rapport au magasin, je me suis juré de n'y aller que lorsque je saurai formuler correctement une demande en japonais. Ainsi je me résignais à aller au supermarché. Là au moins, je risquais moins d'avoir des problèmes avec la caissière.

Le supermarché est un truc absolument dément. Déjà, les rayons sont plus bas, alors la lumière pénètre beaucoup plus – et comme j'y vais surtout la nuit, vers 19h, ce sont plutôt les néons qui en deviennent aveuglants – mais aussi, tous les emballages sont colorés. Ainsi, c'est un éblouissement quand on rentre : une débauche de couleurs inondée de clarté artificielle. Ensuite, comme je m'en aperçus plus tard, il y a 3 magasins en un. Celui du milieu où tout est à peu près à 100 yens (ce qui est cool pour mon porte-monnaie, vu que 100 yen ça fait genre 75 cents). Celui de gauche je n'ai pas encore bien pigé à quoi il sert, vu qu'il a l'air comme celui de droite mais en plus petit. Les prix sont peut-être différents mais je ne m'y suis pas encore attardé. Et celui de droite c'est celui où je passe le plus de temps. Déjà, tout est en bordel : les produits de vaisselle sont en face de ce que je crois être des bonbons, le lait n'est pas avec les yaourts mais avec le jus d'orange, au fin fond du magasin, les rayons de bière et de sodas sont entre les produits réfrigérés et les gâteaux apéros, quant à l'entrée du magasin c'est là où ils vendent les légumes. Si on continue après les légumes, des boîtes de nouilles différemment assaisonnées ou accompagnées sont vendues sur 3 ou 4 rayons. Et en tête de rayon, on peut trouver carrément des sacs de riz (comme nous on vend des sacs de charbon ou de terreau à Jardiland). Alors pour me retrouver là-dedans, déjà mon sens de l'orientation fait Carrefour rémois/Monoprix parisien ne sert à rien vu que c'est rangé autrement (pour ne pas dire n'importe comment), mais en plus ma vue doit être utilisée complètement autrement. A la manière des panneaux que je peux finir par ne plus essayer de lire plutôt que pour essayer de comprendre le sens global avec ce que je déchiffre et ce que ça indique, je ne me risque même pas à lire les paquets mais cherche plutôt à voir comment ça se présente dans un rayon pour déterminer si ce que j'y cherche y est ou pas. C'est pour ça que je n'ai pas encore pu trouver de bonbons (alors que j'ai bien envie d'une douceur...) : ceux que j'ai trouvé je ne les aime pas, et ceux que je cherche je ne les trouve pas. C'est pour ça que pour mes premières courses, j'ai mis une demie-heure à trouver du miel et du lait, alors que je savais comment les deux se disent (respectivement はちみつ, hachimitsu, en hiragana, d'ailleurs j'ai eu du bol qu'il ne soit pas en kanjis, et ミルク, miruku, en katakana, que j'ai trouvé grâce à la vache sur la boîte et dont je ne savais pas s'il était demi-écrémé ou non). En passant à la caisse, j'ai eu 2 emmerdes. La première est que j'avais pris du jus d'orange du premier magasin et que j'allais le payer au 3ème (ne sachant pas qu'ils étaient séparés, bien sûr). Donc la caisse a sonné pour la première fois : une énorme sonnerie courte, agressive et effrayante. J'ai donc fait des pieds et surtout des mains pour montrer l'origine du jus d'orange et faire comprendre à la caissière que je venais de piger que je ne pouvais pas l'acheter ici. La deuxième emmerde, plus emmerdante, est que ma carte n'est pas passée. Donc deuxième puis troisième beuglement de la caisse, avec mon coeur qui bat à tout rompre, mon instinct qui se fout de moi à l'intérieur genre « haha, je te l'avais bien dit que ça allait merder » et moi qui fait comprendre à la caissière qui m'explique tout en japonais que je ne benne rien de ce qu'elle raconte. Si la tension est montée, il n'y avait aucune animosité : elle venait plutôt du fait que nous étions tous deux désemparés et un peu désespérés. Mais justement, absolument pas agressive, la caissière continuait d'essayer de faire fonctionner la carte. Je demandai à la cliente derrière si elle parlait anglais : elle s'intéressa à l'affaire sans qu'elle ne puisse me l'expliquer vu qu'elle ne parlait pas plus anglais que la caissière. Cette dernière appela finalement son supérieur – qui ne parlait pas non plus anglais – qui lui expliqua comment faire passer la carte et tout rentra dans l'ordre (hormis que je n'avais pas de sac pour tout transporter). Depuis, je ne paie plus qu'en liquide quand je vais chez eux ; non par peur de l'incompréhension avec la caissière, mais plutôt par peur du beuglement de la caisse. Quelque part, je suis une sorte de bête effrayée par les bruits. Mais en même temps, je n'ai pas peur de la communication incompréhensible, et je suis prêt à essayer de m'expliquer autrement. Finalement, le magasin c'est assez marrant. Mais arrivera bien un moment où je devrai payer avec ma carte. Peut-être que ce soir je réessayerai, si j'en ai le courage. Parce que ce qui me fait le plus peur, ça n'est pas seulement le bruit que fait la caisse, mais c'est aussi que tous les regards se tournent vers moi. Là je sentirais mon étrangéité plus fort que jamais.

En somme, le supermarché c'est savoir que la compréhension sera impossible mais qu'on peut faire sans, si tout se passe bien. L'inverse du Mc Do. Alors finalement, l'étrangéité c'est bien être étrange, mais aussi étranger. Mais pas seulement étranger dans le sens où je ne suis pas de leur pays : aussi et surtout étranger dans le sens « que l'on ne comprend pas » : étrange. Et même plus qu'étrange, parce que l'étrangeté finit toujours par être compréhensible. Moi je me sens étranger jusque dans mon étrangeté, et j'ai l'impression que je serai toujours étranger. Alors je serai un étranger que jamais l'on ne comprendra. Une étrangeté maximale en quelque sorte. L'étranger maximal. L'étrangéité quoi.

Mais à part ça, à part ces sentiments confus, tout va bien rassurez-vous. Je suis constamment pris entre le fait de vouloir tout découvrir et le fait de vouloir rester chez moi, et pour le moment je me bats contre moi-même pour garder cet équilibre. Le compromis que j'ai fait est de sortir quelques heures pour me familiariser avec l'environnement, et de rester ici pour apprendre la langue, c'est-à-dire pour pouvoir mieux sortir après. Je romprai ce compromis quand les cours commenceront, quand je serai obligé de sortir et quand je ferai plus de progrès en japonais. Là je me forcerai à sortir beaucoup plus. Pour le moment, je finis de m'adapter à cet environnement. Je dois déjà vaincre le décalage horaire, puisqu'à force d'alterner les nuits de 4h30 et les nuits de 10h30/12h, ce matin je me suis réveillé à 13h. Or 13h, c'est 6h chez vous. Et je ne suis tombé de sommeil finalement qu'à 3h30 du matin. 20h30 chez vous. Donc le décalage horaire n'est pas du tout passé. Mais comme vers 19h ici je tombe aussi de sommeil, ce soir je me laisserai faire et je pourrai mieux en finir avec le décalage.

Voilà, à chaque problème sa solution et pour le moment jouer plus en défense qu'en attaque. C'est mon manuel de survie.

Finalement, la note sur le dortoir et la nourriture viendra plus tard.

Bonne journée !

dimanche 27 septembre 2009

Grignoter des banalités

Plus on prend du retard avant d'écrire ses premières impressions, et plus on place haut la barre, et moins on a envie d'écrire. La solution à tout ça est sans doute de faire aveu de modestie, et de dresser quelques généralités sur ce qu'on a vécu, en quelques lignes.

- "Man, you live in such a fascist country, you know", ai-je dit bourré et refoulé d'un bar à un mec. Et se faire refouler d'un bar pour ne pas avoir 21 ans n'est qu'un des aspects à vrai dire ; et, le Seigneur m'en est témoin, je JURE d'écrire un vrai article là dessus. Je veux dire, à quel point ce pays est obsédé par l'ordre, l'hygiène, la sécurité. Je ne trouvais pas de grande pertinence à Foucault, maintenant, si.

- Outre qu'ils sont hygiénistes, et quelque peu totalitaires, les américains voient aussi les choses en très grand, et pour tout dire en un peu moche, en faux rustique, en faux classique, même en faux néo-classique. Et y'a du pognon partout, dans le cas de ma fac il vient surtout de CocaColaCorp, d'où que la plupart des buildings portent le nom des fondateurs, et des différents PDG de Coke.

- Mais ils sont aussi très (très très très) gentils, et très polis, et très serviables, et très dans l'amour du prochain. Ma théorie est que leur vie, leur pays et leurs villes sont si vides d'authenticité qu'ils sont obligés de la chercher dans les relations humaines. Mais ça a du bon aussi.

- Les voyages, en moyenne jusqu'à présent un week end sur deux. Je suis ruiné. J'ai besoin de thune. (Aidez moi). Donc fait : rejoint Chaigneau à NY, passé un week end en Caroline du Nord dans une famille tout à fait américaine (once again, love your neighbor) et vendredi si tout se passe bien je rejoins PA à Boston, et je retourne à New York pour le fall break. Après j'aurai dépensé tout mon argent pour le semestre. Je serai dans la merde. Mais ça n'empêche pas de rêver et dans mes autres projets j'ai : SF/LA (?), Seattle, New Orleans. Mais ça c'est pas des plans précis. Et un que j'aimerais bien voir se réaliser : US -> Mexique -> Cuba / Cuba -> Mexique -> US. Pour ne jamais passer aux douanes américaines.

Plus de trucs plus tard, peut-être.

samedi 26 septembre 2009

Vues de ma fenêtre

Y a qu'des bâtiments
Si j’te disais qu'j'vois de la verdure, tu saurais qu'je mens
Et puis pour voir un bout de ciel, faut s'pencher franchement.












Sur le tas

D'autres nouvelles, toujours au fil de la plume (enfin, des touches en l'occurrence : je garde ce qu'il me reste de papier pour les kanjis que je rencontrerai en chemin, et pour mes envies d'écrire loin de mon ordi).

Alors... J'ai un portable ! Certains ont pu le voir, d'autres (une seule, en fait) y écrire, et ceux qui l'ont vu ont déjà eu la douloureuse expérience d'un appel à 3h du matin. Désolé, je sais bien que vous dormez mais je voulais absolument vérifier si ça marchait tant que Akihide était là. Et en fait apparemment j'avais fait la bonne chose (enfin c'est pas certain, quand même) mais j'avais juste pas attendu assez. Enfin bon : mes 2 heures par mois vont enfin me servir !

A part ça... Alors, que je décrive un peu le campus de la fac : le campus de Hokudaï (dont voici l'écriture en kanjis : 北海道大学, enfin ça c'est « Hokkaido daigaku » ; Hokudai c'est ça : 北大. Voici comment ça se découpe : 北海道 = Hokkaido ; respectivement les kanjis signifient « nord », « mer/océan », « chemin » (nota bene, je suppose que ce , do est le « do » que le retrouve dans « judo », « aïkido », « kendo » et la plupart des sports de combat, qui en général signifient « la voie du » quelque chose. Par exemple, le « ju » c'est la souplesse, et le « ki » c'est l'énergie vitale. Donc l'aïkido, c'est quelque chose plus essayer de trouver la voie de l'énergie vitale. La maîtriser, en somme). Ensuite, 大学 = daigaku, ça veut dire université ; c'est composé de « grand » et « science » (soit dit en passant : est un kanji que j'affectionne particulièrement pour sa généalogie, parce que ça veut dire « enfant », et ça veut dire « lettre »). Alors voilà, comme vous l'avez vu, ce qui me passionne le plus en ce moment c'est l'étude des kanjis. J'ai trouvé un chouette dictionnaire des kanjis en français sur internet, et je peux y passer des heures d'affilée. Alors maintenant, je vais essayer de me discipliner un peu. Cette aprèm, quand j'irai me balader dans le campus, j'emmènerai le bouquin de japonais puis je me poserai quelque part et j'essaierai de les bosser tous, la quarantaine que j'ai dans ce livre. C'est la base de la base. Puis sur le site, j'ai vu qu'on peut classer les kanjis par année (d'étude du japonais j'imagine), et ceux de première année sont assez simples, alors j'essaierai de les ingérer aussi pour le 30 (mon test de japonais). Mais franchement, moi j'adore ça : c'est comme décoder un texte, résoudre une équation, trouver la solution d'une énigme ; c'est tout un monde qui s'ouvre, c'est apprendre de nouveau à lire, c'est maîtriser les mots, la langue, les idées. Et ça, c'est une des choses que je préfère au monde. Manier les traits comme ça, qui dès qu'ils bougent un peu modifient le sens, je trouve ça génial. Des fois le rapport entre le dessin et ce qu'il signifie n'est pas évident, et des fois il l'est. Puis en partant d'un kanji on peut le décliner pour affiner son sens, et pour faire des mots encore plus précis il faut l'associer à d'autres. Par exemple hier, j'ai trouvé « taikutsu » (ennui) en kanjis (tenez, le voici 退屈) ; « taikutsu » je le connaissais en hiragana seulement. En kanjis, les idées associées sont : « retirement » (退, tai) et « se soumettre » (, kutsu). Joli comme association, non ? Ou encore un dernier : entrée et sortie s'écrivent comme ça : 入口 et 出口. Le , ça veut dire « bouche ». Les autres devant sont les verbes « entrer » et « sortir ». La bouche qui fait entrer ou sortir. Particulièrement expressif je trouve. D'autant plus que lorsque Akihide m'a expliqué ça, la porte en question était une grande baie vitrée. Je pouvais presque voir le dragon entr'ouvrir sa gueule. Donc voilà : maîtriser les idées par le dessin (enfin, par un dessin complètement différent de celui de l'écriture romane), moi ça me botte.

Mais au départ, je vous parlais du campus. Alors j'ai toujours pas de plan – j'irai sans doute en acheter un en me baladant cette aprèm – mais Akihide m'a dit que c'est le plus grand campus du Japon. Il dit aussi qu'il fait 2 kilomètres de long (mais il ne compte que 3 ou 4 kilomètres de marche quand moi j'en compte facilement 15 ou 20). En tous cas, y en a pour un bout de temps à le traverser. Comme Sapporo, il est quadrillé par les rues, et l'on s'y repère avec les points cardinaux (genre 18ème nord et 12ème ouest) et les portes d'entrée (style porte 12). Dedans, d'après ce que m'a dit Akihide, on peut trouver à peu près n'importe quoi : des magasins de fringues, de vélo, des libraires, à manger, un hôpital et encore d'autres trucs. Sinon, c'est effectivement immense : lorsque l'on se balade le long de la rue principale, il faut faire attention aux voitures, mais plus encore aux innombrables vélos (les vélos abondent ici, il y en a partout, à peu près parqués dans des endroits spéciaux). On croise de tout : des européens, des Japonais en costume, des touristes Asiatiques appareil photo au cou, se faisant prendre en photo devant les bustes qui décorent la route et l'entrée des parcs. Du genre « et celle-là, c'est moi devant le buste de ce mec que je ne connais pas, et celle-ci c'est moi devant ce même buste mais on y voit cet arbre en plus et cet oiseau a disparu, quant à celle-là, c'est moi et Machine toujours devant le buste et l'arbre qu'on voyait tout à l'heure est caché par Machine ». Enfin bref. Oui parce que le campus est bourré de vert. Il a des arbres partout, et des parcs de chaque côté de la route lorsque ce n'est pas des bâtiments de cours. Les parcs, c'est un peu de dénivelé de gazon bien taillé, avec souvent une rivière qui court au milieu, des passages aménagés par des rochers plats disposés régulièrement d'une berge à l'autre et des arbres ici et là (ne pas oublier de se faire prendre en photo devant le tronc d'arbre coupé), avec des bancs pour s'asseoir discuter ou manger. Très très sympa, et très très zen surtout. Je vous prendrai ça en photo un de ces 4. Dans les arbres, surtout le long de la route, il y a des corbeaux. Beaucoup de corbeaux, et d'énormes corbeaux, pas du tout apeurés par les humains. Je suis passé à 30 centimètres de l'un d'entre eux sans qu'il bouge. Les corbeaux ici, c'est les pigeons à Paris quoi. Sauf que 1. leur cri est affreux. Au moins les pigeons on peut se foutre de leur gueule quand ils avancent, mais là les corbeaux sont carrément horripilants 2. ils sont plus jolis. J'ai du mal à l'admettre tellement leur cri est abominable, mais leur noir luisant est assez séduisant je dois avouer 3. ils sont complètement tarés. Akihide m'a dit qu'il leur arrive d'attaquer les passants. Au moins les pigeons, le pire qu'ils font c'est venir te picorer les pompes. Enfin bon : une vraie saloperie donc. Et ils n'ont rien de sacré pour les Japonais ; je me demande pourquoi ils n'ont pas déjà essayé de les dégager ou de réduire leur nombre : il paraît que c'est une vraie plaie parce qu'ils déchirent les sacs poubelle dans la ville et en foutent partout, et ils attaquent en plus. Donc je disais que lorsqu'il n'y a pas de parc (c'est un grand jardin plutôt qu'un parc hein, ne vous y trompez quand même pas), il y a des bâtiments. J'ai été assez étonné de voir un « department of research in higher education » : un département rien que pour ça ça m'a surpris. Alors j'en conclus qu'il y a une tripotée de « departments » ; du style Akihide qui fait de la biologie moléculaire : quand je lui demande s'il bosse au « department of medicine » que l'on venait de passer, il m'en cite un autre. Il y a des tas de bibliothèques, toutes plus grandes les unes que les autres, certaines abritant carrément un musée. Et puis il y a ce que j'appelle le centre administratif. Je ne suis pas encore allé plus loin, mais je crois n'être pas loin du bout du campus. Les étudiants, pour se retrouver là-dedans, se donnent rendez-vous aux Portes dont je parlais tout à l'heure. Et ils vont manger dans l'une des nombreuses cafét' qu'il y a sur le campus. Donc cette aprèm, mission de reconnaissance.

Mmmmh... Ensuite, je pourrais parler du dormitory. Sans faire la description encore du truc parce que ça devient long, je vais parler des évènements marquants de ce matin. Le premier est que je ne suis pas foutu de comprendre à quelles horaires fonctionnent les autres. Ce matin, quand je me suis levé à 8h c'est moi qui ai déclenché les lumières ; donc ça faisait un bout de temps que personne n'était passé. J'ai du mal à croire que des jeunes qui ont la vingtaine se lèvent à 6h. Mais là, quand je suis passé à 10h puis à 11h30, je n'ai encore vu personne. Si : quelques Asiatiques (des Chinois je crois) qui mangeaient. Je ne sais pas si c'était leur petit dèj ou leur déjeuner. 'fin bon, peut-être qu'un de ces 4 je me lèverai à 6h pour voir si les autres commencent leurs journées à cette heure. En tous cas, à minuit il y a toujours un peu de monde dans les couloirs, et c'est à 1h/2h que je suis le dernier debout.

L'autre événement, c'est que je crois avoir pigé comment fonctionne le jet d'eau des chiottes. Alors désolé pour le passage scato, mais après tout je suis tenu le pacte Lejeune ! :-) Voui donc, conformément à la légende, les toilettes japonaises sont différentes des nôtres. Que Slavoj Žižek se rassure, elles ressemblent aux toilettes françaises : sa typologie tient donc. En revanche, je ne suis pas certain que les Japonais soient aussi « expéditifs » que les Français. Leur empereur (Heisei) a toujours sa tête en place à ce que je sache ! A part ça, la cuvette est chauffée. C'est vachement agréable je dois dire. Quand on s'assoit, à droite il y a quelques boutons, heureusement illustrés. Une fois que l'on s'est risqué à appuyer sur celui qui fait un jet d'eau vers le haut, les toilettes se mettent à gargouiller et on se prend un jet d'eau dans l'arrière-train. Après, il faut s'ajuster sur le jet d'eau ; c'est assez marrant et pas tellement désagréable – même si se retrouver le cul trempé est déroutant, la première fois. Pour arrêter ça, il y a un bouton stop. (Que je vous dise quand même la découverte de ce matin : le truc, pour n'avoir pas besoin de se torcher, c'est de se nettoyer avec ce jet d'eau et d'attendre un peu que l'eau finisse de goutter ; sinon, comme je le disais à mes parents et ma soeurette morte de rire, non seulement les feuilles, ultra-minces parce que pas prévues pour ça, se désagrègent avec l'eau, mais en plus on n'est pas du tout lavé donc les feuilles se désagrégeant on finit par se torcher avec des lambeaux et surtout avec ses doigts...) Le troisième bouton est un pictogramme de femme. Je crois donc savoir vers où le jet d'eau est dirigé mais je n'ai pas encore essayé. Peut-être qu'un jour j'essaierai, quand même. Quand on tire la chasse, le lavabo au-dessus du réservoir d'eau à l'arrière des toilettes fait couler de l'eau pour se laver les mains. Si bien qu'en fait, on n'a besoin de papier que pour s'essuyer le cul et les mains. Mais ça me fend un peu le coeur de rebalancer du papier dans une cuvette si technologiquement avancée, c'est un peu comme laisser l'oeuvre inachevée, comme cracher sur un tableau. Je dois pas être assez postmoderne pour ça :-) Quant à jeter le papier dans les toilettes et tirer la chasse pour l'évacuer, ma profonde nature eco-friendly me soulève l'estomac rien que d'y penser, vu que ça fait un gaspillage d'eau pour 3 feuilles de papier et encore un autre pour le lavage de mains. Bilan final, je sors toujours des toilettes avec les mains dégoulinantes (parce que le torchon des lavabos est trempé en permanence). Tiens, peut-être qu'un jour je viendrai aux toilettes avec ma serviette à mains de ma chambre ; ça sera cocasse.

Bon allez, ça fait pas loin d'une heure que j'écris, maintenant je vais aller glander 2 secondes, casser une croûte et explorer le campus ! Je ramènerai des photos, et en attendant je vous mets celles de la vue de ma chambre. Les 2 premières ont été prises hier vers 16h30 si je me souviens bien ; il faut savoir qu'à 18h il fait nuit noire. Les 2 suivantes ont été prises ce matin vers 10h.

Allez, bonne journée !

jeudi 24 septembre 2009

Bientôt arrivé

Je sais bien que c'est cucul-la-praline. J'ai seulement écrit aussi vite que ma main le permettait, tout ce qui me passait par la tête. J'ai écrit enfin, comme écrit quelqu'un qui écrit : j'ai écrit pour faire sortir. Et je ne veux pas censurer ça. Alors oui c'est cucul, et j'assume :-)


Deuxième avion de la journée. (Je suis éreinté, émerveillé et triste à la fois.) Alors que vous venez à peine de vous lever, en France et en Espagne, pour aller au boulot, ici il est déjà tard et je ne mangerai pas dans l'avion (je crève la dalle mais je n'ai que des euros). Pris en charge dès mon arrivée à Nagoya, on m'a dirigé jusqu'à l'enregistrement des bagages – heureusement. Mais grâce / à cause de ça, je n'ai pas pu chercher de yens. Ce sera pour mon arrivée à Sapporo ! Dans 2-3 heures je crois. Quelques considérations sur ce que j'ai vu des japonais : effectivement ils ne sont pas grands, ont les yeux bridés et ont le teint jaune pâle. Maintenant que je me dirige vers une région moins touristique, on commence à plus m'observer (du coin de l'oeil). Si j'en crois mes faibles connaissances du japonais, les terminaisons en -します (shimass) et -ください (kudassaï) sont des formules de politesse. On les retrouve absolument partout, et c'est particulièrement frustrant de ne pouvoir déchiffrer qu'elles : je sais qu'on est poli avec moi mais je ne sais pas à propos de quoi. A part ça, les japonais parlent très faiblement. Ca couplé avec un anglais fortement marqué par un accent asiatique ajoute à l'incompréhension de ce nouveau monde qui devient quasi-totale. Décollage et survol de Nagoya : l'aéroport est sur un polder, la mer et le ciel ne font qu'un, l'horizon brouillé par des nuages évanescents. La ville est très étalée, divisée en îlots d'urbanisation par des forêts et des champs. Comme si c'était l'inverse de ce que je pouvais voir en France : les champs bouchent les trous ; en France, des villages ou des hameaux sont perdus au milieu d'immenses étendues agricoles. Une mer de nuages surplombe un océan de forêts se disputant la place avec des lacs d'aménagements urbains. Et maintenant les montagnes. Elles n'ont l'air que de simples crevasses dans la paume d'une main. Et pourtant, mer forêt montagne, voici le paysage nippon. L'homme se débrouille ensuite avec ce qu'il reste. Tout se confond : l'océan, les nuages et l'Archipel. Ici et là, quelques sommets portent ce toit de cumulus. L'un deux le perce ! Fier, majestueux, son sommet éventre le toit du monde ; ce ne peut être que le mont Fuji. Les nuages s'agglutinent autour, comme pour l'étouffer, découvrant ainsi une vallée enclavée dans deux hauts chaînons, en voici un autre qui court vers le Fuji et un autre qui se jette sous l'aile de l'avion. Entre eux, les vallées sont dominées par les villes, taches brunes et blanches, englouties par des étendues vert foncé : les forêts. Mais alors que l'ombre du Fuji s'éloigne, de longs nuages bruns s'étirent, vaporeux. J'aimerais croire qu'ils ne fussent pas constitués de pollution. Ils s'étendent, tranchant entre le ciel et la mer, chassant les majestueux cumulus. A l'intérieur, la télé japonaise montre Sarkozy. Au-dehors, l'avion a franchi un plancher de nuages ; ne subsiste que le ciel radieux, de ce point de vue. Le Fuji a disparu, mais le filet brunâtre semble se fondre dans ce tapis. Je vais tenter de me reposer, je dois être capable de tenir debout jusqu'à ma première nuit à l'heure nippone. (Exemple de chuchotement des Japonais : l'hôtesse propose à boire, j'acquiesce à l'ouïe de « ice tea » (prononcé « aïssu tii »). Je me retrouve avec un café glacé (prononcé « aïssu kohii ») tout ce qu'il y a de plus dégueulasse.)

Le départ

Après m'être passé Kaki King – Legs to Make us Stronger – Doing the Wrong Thing, comme d'habitude lorsque je me sens mal, les hôtesses ont distribué les menus. J'ai longtemps hésité avant de préférer le menu « occidental » au menu « japonais ». Après tout, j'en ai pour 1 an de menus japonais, autant profiter de repas sans riz une dernière fois ! Je me suis réjoui de voir que 50% de ka carte des boissons proposait des vins français, et même du champagne Piper-Heidsieck (dont je peux situer la maison à Reims :-) ). Finalement, traduire la version japonais de la carte et me goinfrer de gâteaux apéros japonais m'ont retiré la tristesse du coeur : la découverte chasse les regrets. Maintenant, Cure – Wish – To Wish Impossible things, Trust et Apart m'ont assombri les idées, mais je suis revenu à la réalité. A la manière de la cold wave, ces chansons empêchent de pleurer quand on en a envie et vous plongent dans le spleen lorsque vous êtes heureux. Je quitte tout pour avoir à tout découvrir.

Avant le départ

Voici ce que j'ai écrit dans mon carnet, sur le vif, sans rien modifier. Le deuxième paragraphe avait été écrit au milieu du premier, donc c'est normal que ça soit chronologiquement incohérent.

Me voici dans l'avion. Les péripéties de l'embarquement ont fait que je me retrouve en première classe. Je n'ai aucune idée de ce que je fous là. De l'arrivée à l'aéroport, il ne me reste que des fragments de scène : Papa qui se gare, avec la valise dans le coffre. Le couloir sans fin des compagnies aériennes. Moi qui appelle Manon, complètement affolé mais refoulant du mieux que je peux. L'adieu, bref et d'autant plus déchirant, avec Papa et Juju. Puis la course jusqu'au sas d'embarquement. Et là j'écris. J'écris pour me retenir de pleurer. Jamais je n'ai écrit comme ça. On bouge, on ne va pas tarder à décoller. Quand je regarde autour de moi, les trois quarts des passagers ont le teint jaune et les yeux bridés. Rien de ce qui est écrit ne l'est dans ma langue. Mais, une courte annonce vient d'être faite en français ; c'est inattendu. On m'a offert Le Monde. Je me fous des nouvelles ; je ne l'ai même pas ouvert. Je veux juste garder au maximum ce qu'il me reste de moi (de « ce qui fait que je suis moi », comme je vous ai tant rabâché ça). Je n'ai jamais pris un avion comme ça : j'en suis encore plus étranger. J'ai ramé pour enfin m'asseoir : je n'avais pas eu le temps de regarder mon siège sur mon billet ; je ne savais pas où regarder pour trouver le « 10 E » ; il y a des trucs sur mon siège que je balance dans le bac derrière moi ; j'y mets aussi mon sac ; je finis par comprendre où doit aller ma valise ; d'autres gens attendent pour passer ; je finis pas m'asseoir, ne comprenant rien, les joues en feu – un peu comme si je n'étais arrivé là qu'à l'instinct – ; je regarde ce que font les autres, comment ils se tiennent et où ils ont posé leurs affaires – ON DECOLLE ! – – je me mords encore la joue jusqu'au sang pour ne pas pleurer ; l'image de Papa et Juju, la toute dernière fois que je les ai vus, me revient à nouveau et je pleure finalement et enfin – – tout le monde s'en fout ; je me rappelle des consignes en cas de catastrophe, vachement rassurant (non je ne lirai pas votre livret en cas d'urgence) – quand je me suis assis, j'ai encore copié les autres pour voir ce qu'ils faisaient. Et quand j'ai enfin cessé d'être complètement perdu extérieurement, je me suis perdu à l'intérieur de moi-même : dans le vague. En essayant de me rassembler, de faire le point. Tout ce que j'ai réussi à extraire de moi au bout de nombreuses secondes de vide, c'est : « Mais qu'est-ce que je fous là... ». Je me disais que, assis entre deux supposés japonais, j'avais honte de bosser leur langue à côté d'eux. Ici, tout est en 3 langues : japonais, anglais et peut-être chinois. Comment je saurai qu'on ne fait pas une escale en Chine ? Je pleure encore rien qu'à la pensée d'Eva. Ce sera tout pour le moment, je dois me calmer. Là je commence à réalise que vraiment, je pars au Japon. PUTAIN ! J'AI MEME PAS PU AVOIR PAULINE ! Quelle horreur ce départ... Si subit... Comme je suis censé les aimer.


On vient d'annoncer le départ – en anglais. Première pensée : j'aimerais que mes parents regardent l'avion décoller depuis une grande baie vitrée ; j'aimerais qu'ils se tiennent par la taille, que Juju pleure un peu et que Papa ait l'estomac noué. Deuxième pensée : j'aimerais que Manon soit avec eux ; déçue et réjouie à la fois – comme d'habitude. Troisième pensée : j'aimerais que Eva soit au téléphone avec Juju, qui lui raconte la scène. J'aimerais qu'elle pleure un peu – comme moi.